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Séparation des activités bancaires et régulation

L’examen du projet de loi de séparation et de régulation des  activités bancaires a été l’occasion de rappeler et défendre  les propositions du Front de gauche en matière de régulation financière.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les rapporteurs, chers collègues, la crise de 2008 a mis en évidence l’importance des dégâts occasionnés par les activités spéculatives des banques et remis au goût du jour les enjeux de stabilité financière, après deux à trois décennies pendant lesquelles l’unique maître mot fut la dérégulation. (...)

Le projet de loi dont nous entamons ce soir la discussion (...) doit être un texte précurseur en Europe pour mieux réguler la finance et empêcher ceux qui prennent des risques industriels d’en faire peser la responsabilité sur les contribuables.

Le texte dont nous allons débattre ne saurait être en deçà des préconisations figurant dans le rapport remis par l’ancien gouverneur de la banque de Finlande, Erkki Liikanen, à la Commission européenne.

Pour notre part, députés du Front de gauche, nous rejoignons les propositions des ONG comme Finance Watch ou de nombreuses personnalités et universitaires qui, à l’instar du prix Nobel Joseph Stiglitz, préconisent une séparation claire et effective entre banques commerciales et banques de marché.

C’est à notre sens un véritable outil pour mettre fin aux conflits d’intérêts qui peuvent naître au sein des banques entre activités spéculatives et financement de l’économie, mais c’est aussi l’outil adéquat pour lutter contre l’opacité des groupes bancaires. (...)

Le choix du Gouvernement est de séparer au sein des grandes banques mixtes les activités utiles à l’économie des activités spéculatives. C’est une position de prudence qui altère quelque peu l’objectif, mais qui peut se défendre, car c’est le risque systémique qu’il faut combattre, et nul ne fait de procès d’intention quant à la volonté du Gouvernement de mieux contrôler ce risque.

Nos réserves sur ce projet de loi ne portent pas à titre principal sur le choix qui a conduit le Gouvernement à privilégier la filialisation des activités dites spéculatives, mais sur le caractère trop marginal de cette séparation et la nécessité d’interdire les produits dérivés dangereux.

Les amendements votés en commission ont amélioré le texte, mais sans franchir le pas décisif qui consisterait à poser le principe de la filialisation des activités dites de « tenue de marché », qui sont aujourd’hui au cœur de la polémique. (...)

Le texte adopté par la commission des finances confie au ministre chargé de l’économie le soin de fixer, s’il le souhaite, un seuil au-delà duquel les activités d’un établissement de crédit relatives à la « tenue de marché » devront être filialisées. Cette solution nous laisse dubitatifs, car elle présente l’inconvénient de confier au ministre le pouvoir d’agir ou... de s’abstenir. Il sera d’autant plus impérieux d’agir, monsieur le ministre. Comme l’a déclaré le professeur Jean-Paul  Pollin lors de son audition : « Parmi les huit  banques dont la distance au défaut est la plus faible, quatre sont françaises » et si la plus grosse des banques américaines représente moins de 20 % du PIB américain, « chez nous, BNP Paribas, c’est 100 % du PIB fran çais » et « 750 milliards d’euros de dérivés de crédits [...], en déconnexion par rapport à  l’économie réelle ».

Deux sujets clés nécessitent encore des avancées : celui du trading haute fréquence, et celui de la spéculation sur les matières premières agricoles. Le trading haute fréquence est devenu l’un des symboles des excès de la finance. Par le passé, nous en avions (...) réclamé l’interdiction pure et simple car ces pratiques, résultant des directives de dérégulation du marché boursier, sont porteuses d’un risque systémique avéré. Nous avons déposé un amendement visant à renforcer le dispositif de sanction des pratiques d’abus de marché ; je suis sûr qu’il recevra un accueil favorable.

De la même façon, nous souhaitons un engagement ferme du Gouvernement dans  la lutte contre la spéculation sur les matières premières agricoles. Ces dernières années, les investisseurs financiers ont accouru sur ce marché alors que  d’autres déclinaient. (...) Comme le souligne  avec raison l’ONG Oxfam, on ne peut plus  longtemps « ignorer l’impact des activités  bancaires sur les marchés agricoles alors que le respect du droit à l’alimentation de centaines de millions de personnes est en jeu. »Nous saluons bien entendu l’adoption en commission de l’amendement qui obligera les banques à détailler, pays par pays, la nature de leurs activités, le produit net bancaire ainsi que leurs effectifs.

Nous regrettons que les banques n’aient  pas à publier ni leur bénéfice net, ni le  montant des impôts dont elles s’acquittent  dans chaque pays, mais cet amendement  marque tout de même un pas important  vers une plus grande transparence du secteur bancaire.

Reste que, selon nous, l’enjeu demeure d’interdire aux banques d’avoir des filiales dans des territoires non coopératifs, dans ces fameux trous noirs de la finance dénoncés depuis des années par les ONG, comme par le rapport sénatorial.

Le mécanisme de résolution, second pilier du projet de loi, m’amène à formuler quelques remarques.

Nous nous interrogeons sur le fait que le gouverneur de la Banque de France et le directeur du Trésor disposent du pouvoir exorbitant de décider seuls comment et par qui une banque défaillante sera renflouée. Sachant que les actifs des quatre premières banques françaises représentent trois fois le  PIB de notre pays et que la Banque de France  est le principal créancier des banques privées, on peut légitimement craindre que le contribuable ne soit au bout du compte sollicité, ce qui serait manifestement contraire à l’objectif consensuel annoncé.

Bien sûr, nous appuierons toutes les mesures qui viseront à protéger les consommateurs,  notamment s’agissant du droit au compte  et du plafonnement des frais bancaires. (...) Mais, au-delà des enjeux de la réforme structurelle du système bancaire et de la réglementation prudentielle, l’instrument principal de régulation demeure l’action que la banque centrale peut conduire pour réguler l’alimentation en liquidités du marché monétaire.

Il ne faut pas négliger l’enjeu que constitue  la réorientation de la politique monétaire.  Ce qui devrait aujourd’hui guider l’action de  la banque centrale, c’est le refus de prêter  de l’argent aux banques qui financent des  opérations spéculatives, ou ne le faire qu’à  des conditions dissuasives, à des taux d’intérêt très élevés. Les banques centrales devraient réserver l’usage de leur pouvoir de création monétaire au refinancement des crédits qui se traduisent par des créations  d’emplois, par de l’investissement productif  et de la création de valeur ajoutée dans les  territoires.

Dans un même mouvement, la politique  monétaire contribuerait ainsi à la fois à dégonfler les marchés financiers et à stimuler la  création de richesses. (...)

Nous abordons ce débat avec la ferme  conviction et la belle ambition de faire de la réorientation de l’argent une priorité stratégique de la lutte contre le pouvoir exorbitant et destructeur des marchés financiers.

Ce débat, monsieur le ministre, se poursuivra  dans les mois et les années à venir.

Nicolas Sansu,

Député PCF Front de gauche du Cher

 

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Séparation des activités bancaires et régulation

le 03 April 2013

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