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Prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu : un choix idéologique.

 
 

Tenant une place centrale dans la préparation de la loi de finances 2017, le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en 2018 est présenté comme une simplification du paiement de cet impôt et le moyen d’assurer une régularité des rentrées fiscales pour l’Etat.

En vérité trois raisons essentielles sont à l’origine d’un projet auquel tient F Hollande dont on connaît par ailleurs la faible empathie pour les réformes progressistes.

1- Fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG ;
2- Changer la structure des prélèvements fiscaux et sociaux  au profit des entreprises ;
3- Faire allégeance à Bruxelles en se conformant à une pratique majoritairement usitée dans l’UE. La confusion qui entoure les modalités d’application de ce prélèvement tend à valider cette hypothèse.
 
Les « usines à gaz » servent souvent d’écran de fumée à des projets encore inavouables. Derrière le Flou il y a un loup disait M. Aubry. Il en va ainsi à propos de la confidentialité des revenus autres que salariaux au titre de laquelle il serait possible de conjuguer divers types de paiement : le prélèvement à la source par l’employeur ou un prélèvement «à l’ancienne» ou exécuté par les banques. S’ajoute le taux neutre.
Le contribuable le proposerait lui-même à son employeur pour ne pas révéler ses autres sources de revenus ou ceux de son conjoint. Cela reviendrait à ce que chacun déclare pour lui seul. Et il y a le Medef qui fait grise mine : projet trop compliqué, trop de charges de travail, dit-il ! Une seule chose serait réglée, l’année 2017 serait une année blanche pour l’impôt sur les revenus salariaux et assimilés.
 

Derrière les objectifs affichés, les vraies intentions gouvernementales.

1- Régularités des rentrées fiscales

Il faut rappeler qu’en matière de simplification, de sécurité et de régularité du recouvrement des rentrées fiscales, l’administration dispose avec la déclaration pré-remplie et la mensualisation d’outils efficaces.
Sur 17,5 millions de contribuables imposés à l’IR, 10,4 sont mensualisés.
Par contre le prélèvement à la source réalisé par les entreprises représente un nouveau moyen de mettre à leur disposition de l’argent public. Et le Medef qui critique ce projet le sait parfaitement ! C’est 70 milliards de liquidités dont les entreprises pourraient ainsi momentanément disposer. Selon leur taille, elles  ne verseraient en effet l’impôt collecté au trésor public qu’une semaine, quinze jours ou trois mois, après le paiement du salaire. Une façon comme une autre de refaire la trésorerie des PME, PMI que les donneurs d’ordre c’est-à- dire les multinationales rendent exsangues. Par ailleurs le Medef qui n’est jamais en reste lorsqu’il s’agit de capter de l’argent public a chiffré à 2 milliards d’euros la charge que la collecte de l’impôt sur le revenu ferait supporter aux entreprises. Il s’appuie en cela sur un rapport de Bercy qui, il y a quelques années, chiffrait à 1,5 milliards d’euros le coût de la gestion de l’IR. On mesure ainsi le peu de validité de l’argument de la régularité des rentrées fiscales. Les modalités proposées aux entreprises n’offriront aucun avantage tangible supplémentaire par rapport aux formes de prélèvement actuel.

2- Changer la structure des prélèvements fiscaux et sociaux.

Plus un secret pour personne F Hollande veut fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG ainsi que le proposait M. Rocard, le père de la CSG. En fusionnant un impôt progressif et un impôt proportionnel, seraient entrainés dans ce nouvel impôt sur le revenu des milliers de contribuables jusque-là non imposables car disposant de trop faibles revenus qui deviendraient ainsi captifs face aux aléas des hausses de taux et/ou des variations de tranches.
Mais c’est aussi le moyen de franchir un nouveau pas vers la fiscalisation des recettes de la protection sociale, notamment de la branche santé et donc d’accélérer le désengagement du patronat de ce financement. Dans un premier temps, ce sont 25 Mds d’euros, montant des allégements de cotisations sociales patronales, que le gouvernement souhaiterait «barémiser» et de la sorte graver dans la loi de financement de la protection sociale, préparant ainsi le terrain à un passage des cotisations sociales sur les entreprises à des prélèvements fiscaux sur les individus.
 
Mais là ne s’arrêtent pas les évolutions que pourrait amener le prélèvement à la source. Même si aujourd’hui seul l’impôt sur les revenus salariaux entre dans cette épure, d’autres comme les impôts locaux, notamment la taxe d’habitation, déjà très souvent mensualisés pourraient suivre. Au-delà c’est l’architecture de l’impôt sur le revenu et les fondements de la politique familiale qui pourraient être très fortement chamboulés. Derrière le taux neutre, donc la possibilité pour chaque membre du foyer fiscal de choisir son type d’imposition, s’ouvre la voie à une remise en cause de la notion de foyer fiscal et avec lui du quotient conjugal et familial. Cela fait de nombreuses années qu’à divers prétextes, y compris de l’égalité femme/homme et de l’équité fiscale que les notions de quotient conjugal et de quotient familial sont attaquées. Même s’il est nécessaire de réfléchir aux moyens de préserver y compris sur le terrain fiscal, l’égalité femme/homme et d’agir pour mieux mettre à contribution les hauts revenus, il est un fait avéré. La suppression du quotient conjugal entrainerait une augmentation globale de l’impôt sur le revenu payé par un couple et celle du quotient familial rendrait plus de 9 millions de foyers fiscaux perdants. (Rapport des services de Bercy de 2013). 

3 - Continuer à réduire la dépense publique et à dépecer le Ministère des finances. 

Il y a en effet fort à parier que le gouvernement prenne prétexte de cette réforme pour à nouveau réduire les moyens de l’administration fiscale. Pour 2017, 1 200 suppressions d’emplois sont déjà programmées ce qui porte à 36 000 les suppressions d’emplois au Ministère des Finances en 15 ans. Or la retenue à la source n’allégera en rien le travail des services de la fiscalité personnelle ; il va le complexifier. D’une part parce que les contribuables rempliront toujours une déclaration et qu’il faudra vérifier les montants déclarés et les montants payés. D’autre part parce que vont perdurer divers types de paiement de l’impôt et qu’il faudra répondre trimestriellement aux demandes de régularisation des contribuables, ce qui rappelle utilement que le prélèvement à la source n’est qu’un acompte sur l’impôt dû. 

4 - Quelle modernité ?

Placé sous le sceau de la modernité le projet gouvernemental de prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu n’est en France pas vraiment nouveau. Déjà en 1991 alors que la CSG naissait, cette perspective était évoquée. Antérieurement, l’idée de retenue ou de prélèvement à la source avait pris forme concrète sous un aspect proche de celui dont il est question aujourd’hui. Cela s’appelait « stoppage à la source » et se passait en 1940, année de sinistre mémoire qui ne renvoie pas forcément à une période de progrès et d’expansion. Cette expérience devait finalement prendre fin en 1948 (voir le rapport du Conseil des Prélèvements obligatoires de 2012).
 
Enfin on ne peut ignorer le penchant gouvernemental pour le fédéralisme fiscal qu’un tel procédé de prélèvement permettrait de réaliser au sein de l’UE à la grande satisfaction de Bruxelles et de Berlin, en dépit des particularités de notre impôt sur le revenu, de sa structure et de son mode de calcul. 
 
Jean-Marc DURAND
Commission économique du PCF

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