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LE POLITIQUE n’est-ce pas l’autre nom de LA CULTURE

 
 

POUR UN NOUVEAU RÉCIT ÉMANCIPATEUR

Nous sommes entrés dans une crise profonde des rapports entre l’art et la politique. Parce que nous traversons un moment terrible, «ce clair-obscur d’où surgissent les monstres » dont parle Gramsci, il nous faut de toute urgence penser à nouveaux frais les liens entre une politique discréditée et une culture livrée aux marchands du temple. Marie-José Mondzain nous rappelle que lorsque la culture est attaquée il n’y a plus de vie politique et ceux qui soumettent la politique aux impératifs d’une gestion libérale ou pire encore à une régression populiste, s’attaquent en priorité à la culture. Politique et culture sont soumises conjointement à ce que Pasolini décrit à l’aide de la métaphore de la disparition des lucioles. 

Quelque chose qui n’était pas prévisible a bouleversé nos valeurs, notre imaginaire, nos langages et nos comportements. Une forme de totalitarisme globalisé, financier, productiviste et consumériste est en passe d’imposer son hégémonie culturelle. Des œuvres, des langages, des artistes, des lieux disparaissent. La technocratisation de la culture va de pair avec la rationalisation et la standardisation de la production industrielle de l’art qui prolifèrent sur les ruines de la politique et de la démocratie. Politique et culture sont con - jointement colonisées par la religion du marché qui transforme l’humain et la nature en produits abstraits, normés, quantifiés et valorisables.

Roland Gori nous rappelle que l’art et la politique sont indissociables et qu’il ne saurait y avoir d’émancipation politique sans émancipation culturelle et inversement. Or la crise politique actuelle est à la fois une crise de la démocratie et une crise de la culture qui fabrique l’aliénation des classes populaires et leur servitude volontaire ; c’est ce qui explique les difficultés que la gauche alternative rencontre pour transformer la colère sociale en force matérielle transformatrice.

Pour analyser les formes symboliques et culturelles de l’aliénation actuelle, pour s’affranchir de ses valeurs dominantes et les combattre, pour reconstruire une hégémonie culturelle émancipatrice, il faut oser l’art et la culture. Il faut croire au pouvoir de l’imaginaire et de la parole pour inventer aujourd’hui les mots, les symboles et les idées d’une alternative aux eaux glacées du calcul égoïste comme aux eaux glauques de la haine et de la barbarie.

C’est à une perte du sens de l’humanité que nous sommes confrontés et c’est à cette perte de sens que la politique comme la culture doivent s’attaquer. Il faut pour cela s’atteler à l’intelligence du monde comme nous y incite Alain Badiou; faire surgir le partage du sensible auquel nous invite Jacques Rancière; décoloniser notre pensée et notre imaginaire, processus auxquels Aimé Césaire et Frantz Fanon se sont livrés et dont nous n’avons pas su entendre l’urgence.

«La culture n’est pas le musée où l’on accroche des œuvres d’art aux cimaises de la société de la marchandise et du spectacle » dit Roland Gori ; il poursuit en montrant que « la culture est ce qui relie les humains entre eux par leurs œuvres, leurs productions, leur manière de sentir, d’éprouver, de dire et de faire».

C’est en effet du pouvoir des mots qui font, comme l’écrit joliment Aragon, « l’amour avec le monde », c’est du pouvoir des symboles et des idées que nait l’engagement politique et sa capacité à écrire un nouveau récit émancipateur, libérateur des chaî nes auxquelles le système domi nant nous aliène. Pour inventer ce nouveau récit osons un nouveau rapport entre l’art, la culture et la politique. Agissons pour redonner un souffle libérateur aux artistes et à la création artistique; pour refonder une démocratie culturelle partout et avec tous, dans l’école, la cité et l’espace du travail ; pour inventer cette mondialité culturelle, dont rê- vent Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau, pour nous affranchir du poids obsédant et répétitif des violences identitaires qui secouent un vieux monde qui n’en finit pas de mourir tandis que le nouveau tarde à naître.

Tous ceux qui sont debout le jour comme la nuit ont les mêmes rêves de liberté, d’égalité, de fraternité. Travaillons ensemble pour les atteindre. Nous sommes des millions à ne plus vouloir, avec Mahmoud Darwich d’« une politique dénuée de culture et d’imaginaire, condamnée à l’ordre du conjoncturel ». Nous sommes des millions à vouloir vivre le temps du commun, ce monde de demain qui aura pour seule ambition l’avenir solidaire de l’humanité et de la planète. Soyons tous convaincus avec Hölderlin que «  là où croît le péril croît aussi ce qui sauve ».

Alain Hayot
délégué national du PCF à la Culture

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