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Compétitivité : Rétablir la vérité et contre-attaquer (Yves Dimicoli)

La logique financière des grands groupes :

En 2011, les groupes du CAC 40 ont réalisé pour 74 milliards € de bénéfices nets, et  ils ont versé près de 51% de ces bénéfices en dividendes, à l'image de Sanofi, qui s’apprête à détruire 1 000 emplois, qui a réalisé, l’an dernier, un bénéfice net de 5,7 milliards € (+ 4 %) et en a distribué 44 % en dividendes.

En cassant et  précarisant l'emploi, en  limitant les investissements, les efforts de recherche et de formation en France et en Europe, ces grands groupes  ont accumulé, en 2011, une trésorerie de 267 milliards € qui sert à spéculer, soit l'équivalent de la totalité des ressources nettes de l'État ! Très internationalisés, ils continuent massivement à délocaliser: En 2009, selon l'INSEE, 52% de l’ensemble des filiales et des effectifs des groupes français internationalisés étaient situés hors de France où ils réalisaient la moitié de leur chiffre d’affaires. En 2010, les investissements directs à l'étranger ont totalisé 58 milliards d'euros et sont passés à 65 milliards d'euros en 2011.

Les multinationales ont bénéficié d'une très grande part des 172 milliards € annuels de niches fiscales et sociales accordées aux entreprises. Ces avantages ont été donnés sans contrepartie en termes d'emploi, de formation, de salaires. Le total cumulé des exonérations de charges patronales dépasse largement les 200 milliards € depuis 1993.

Cette logique casse l'emploi, creuse les déficits et démantèle le tissu des PME-PMI. Alors que, sous le quinquennat Sarkozy, les groupes ont vu leur taux d'imposition effectif sur leurs bénéfices réduit à 8 %, les PME ont vu leur taux majoré de l'ordre de 20 %.

Les grands groupes français imposent des conditions de plus en plus criminelles aux PME-PMI qui  ont subi de plein fouet le resserrement du crédit bancaire, malgré les énormes aides accordées aux banques.

Quel exemple allemand ?

Le Medef n'hésite pas à répéter, encore et toujours, qu'il y aurait en France un « excès de coût du travail » qui expliquerait nos difficultés à l'exportation, donc notre commerce extérieur très déficitaire (70 milliards d'euros en 2011) et, en conséquence, nos pertes d'emplois, dans l'industrie particulièrement. Il mène constamment campagne pour la baisse des « charges sociales », en fait les cotisations sociales patronales. Il continue de considérer comme le diable l'éventualité d'une augmentation générale des salaires à partir de celle du SMIC, aussi faible soit-elle.

Ces pourfendeurs du « modèle social » français, qui serait la cause fondamentale de l'inefficacité de notre système productif, mettent alors sans cesse en avant le « modèle allemand » dont ils vantent l'efficacité supérieure en prétendant qu'elle aurait été acquise grâce au « courageux » tournant de la politique social-libérale du chancelier G. Schroeder de baisse du coût du travail et de flexibilisation précaire du travail et de l'emploi.

Il faut rétablir la vérité !

Les coûts  de main d'œuvre dans l'industrie  plus faibles en France qu'en Allemagne :

En euros, en 2008, selon les dernières données exhaustives disponibles (Eurostat-Insee) le coût horaire était de 33,2 € dans l'industrie française, contre 33,4 € dans l'industrie allemande.

Dans la construction automobile, point fort de l'Allemagne (40 % des exportations industrielles), le coût horaire, est de 43,14 € , alors qu'en France, dont le commerce extérieur en ce domaine est déficitaire depuis 2006 (5,3 milliards € en 2011, 3,8 milliards € en 2010) , le coût horaire n'est que de 33,38 € (« Le coût de la main-d’œuvre : comparaison européenne 1996-2008 »,  Bertrand Marc, Laurence Rioux)

Selon le rapport de juin 2010 de la Commission des comptes de la sécurité sociale, le salaire annuel brut moyen des salariés à plein temps, l'industrie et des services, était, en 2008, de 43 942 € en Allemagne, contre 32 826 € en France  (écart de 34 %). En net, après impôt, l'écart est plus faible mais il demeure en Allemagne supérieur à ce qu'il était alors en France.

L'efficacité de l'industrie allemande c'est d'abord la qualité de ses relations avec les banques :

En France, les banques, privatisées, ont énormément développé leurs opérations sur les marchés financiers, tout en rationnant le crédit pour la croissance réelle et l'emploi en France. Elles ont fortement contribué à l'essor de la spéculation par un fort accroissement de leurs « opérations pour compte propre » (cf. l'affaire Kerviel).

En 2007, un grand groupe français, pour conduire une OPA sur une société scandinave, a pu bénéficier d'une ligne de crédit de 13 milliards € à 3 % de taux d'intérêt. En même temps, une PME devant faire un investissement de capacité nécessitant quelques emplois et des mises en formation devait supporter un taux d'intérêt de 6 à 8 % et mettre sous hypothèque la résidence principale de l'employeur.

Tout récemment encore, les « Fralib » se sont vus refuser par la CDC un prêt de 40 000 euros qui leur était nécessaire pour se monter en société coopérative, alors qu'au même moment B. Tapie se voit accorder par les banques un cadeau de 150 millions d'euros pour mettre la main sur le journal « La Provence » et les autres quotidiens régionaux du sud de la France du groupe Hersant .

A fin octobre 2012, l'encours des crédits mobilisés dans l'industrie manufacturière a diminué de 3,5% sur un an, alors qu'il a cru de 4,6% dans la construction et de 3,9% dans les activités immobilières (Source : Banque de France).

En Allemagne, le secteur public bancaire avec les secteurs coopératif et mutualiste dominent pour les deux tiers le marché bancaire allemand. Les banques des Länder détiennent elles-mêmes 20 % de ce marché via un tissus dense de caisses d'épargne (sparkassen). Ce pays a développé le concept de la « banque maison » : les entreprises allemandes entretiennent avec leur banque, souvent unique, des relations suivies de partenariat à long terme. Cela fait que les faillites sont moins nombreuses en Allemagne et les banques sont moins rentables  financièrement qu'en France.

Malgré la forte poussée du marché financier outre-Rhin, avec le chancelier social libéral G. Schroeder, ce principe de « banque maison » demeure. Il permet encore à l'industrie allemande d'être beaucoup plus efficace sur la liaison « recherche-formation-production » et de développer aussi une « compétitivité hors coût du travail » bien supérieure à celle de l'industrie française.

Recherche-développement,  formation professionnelle : L'industrie française à la traîne :

La part de l'Allemagne dans la recherche-développement industrielle mondiale est de 10,1 % contre 5,3 % seulement pour la France. Et, pour 2012, les perspectives de dépenses en recherche-développement du privé dans l'industrie étaient de 58 milliards d'euros en Allemagne, contre 28 milliards d'euros seulement en France !

L'effort de formation professionnelle des entreprises est plus efficace en Allemagne où, plus qu'en France encore, malgré les réformes réactionnaires de Schröeder, on s'occupe de l'insertion dans l'emploi des jeunes. L'Allemagne compte trois fois plus de jeunes formés en alternance que la France. Le taux de chômage des moins de 25 ans, fin 2010, y était de 5,5 % contre 7 % pour l'ensemble de la population, alors qu'il était, à la même époque, de 24 % en France contre 9,3 % pour toute la population. Traditionnellement, en Allemagne, les entreprises, forment un nombre de jeunes supérieur à leurs besoins personnels car elles assument en partie la responsabilité de garantir en permanence la disponibilité d'une main-d'œuvre opérationnelle pour l'ensemble de l'économie. Et si, en France, plus d'argent est dépensé qu'en Allemagne pour la formation professionnelle, le taux d'accès des salariés à la formation est plus élevé outre-Rhin. C'est dire le gâchis des fonds de formation en France, sous le contrôle du patronat.

L'irresponsabilité nationale et territoriale plus forte en France qu'en Allemagne :

Les  groupes se préoccupent plus, outre-Rhin, de l'efficacité des PME qu'en France, où elles sont écrasées. Ils sont plus soucieux de leur base industrielle nationale que les groupes français quand ils s'internationalisent.

Les groupes français ont privilégié la délocalisation vers les pays à bas coût salarial, contre le site national de production, comme Renault particulièrement !

Ils aiment beaucoup plus les profits financiers que les groupes allemands. Dire cela n'a rien à voir avec une quelconque valorisation d'un prétendu « modèle allemand », car l'efficacité accrue de l'industrie allemande permet à ses capitalistes d'infliger des pertes considérables aux industries des autres pays européens. D'où le flux considérable d'exportations industrielles allemandes vers eux et les énormes créances accumulées sur eux par les banques allemandes.

C'est dire s'il faut dénoncer cette vision de l'Europe que l'on prétend construire en poussant de partout les feux de la compétitivité par la baisse du coût du travail pour détruire ou dominer les rivaux. En procédant ainsi on enfonce l'Europe et les peuples européens.

Aussi faut-il contre-attaquer sur le fond face à la culpabilisation du « coût du travail » par le grand patronat français.

 

Ce sont les « charges financières» qui pèsent sur la compétitivité :

Ce ne sont pas les « charges sociales » qui étouffent les entreprises, mais les charges financières des banques et les dividendes des actionnaires.

Les comptes de la Nation de l'INSEE, pour l'année 2010, indiquent que, pour les sociétés non financières, (hors banques et assurances), les cotisations sociales patronales (charges sociales) ont prélevé 145 milliards € sur leur valeur ajoutée.

Mais les prélèvements financiers (en intérêts aux banques et en dividendes aux actionnaires) ont totalisé, eux, 308,8 milliards d'euros soit 2,13 fois les «charges sociales » !

Gare à l'union sacrée recherchée pour baisser les cotisations patronales et fiscaliser le financement de la protection sociale avec la GSG et des taxes écologiques. L'intérêt collectif, y compris celui des patrons de PME, est de lutter contre les charges financières afin que les banques distribuent tout autrement le crédit et changent la nature de leurs relations avec les entreprises. Simultanément, il faut sauvegarder et développer le financement mutualisé de la protection sociale à partir de la valeur ajoutée des entreprises, car il sécurise leurs débouchés et fortifie leur productivité.

Cette bataille est d'actualité alors que l'on voit la volonté de faire basculer une partie de ce qui reste de cotisations sociales patronales sur la GSG. Or la CSG ne concerne pas les entreprises mais les seuls ménages et, en leur sein, les salariés, les chômeurs et les retraités surtout.

Exiger partout des moratoires sur les suppressions d'emplois :

Cette revendication est désormais portée par la CGT et même par FO. La CGT souligne le besoin de droits nouveaux des salariés d'intervention dans la gestion, pointant notamment la nécessité qu'il disposent d'un droit de veto suspensif face aux décisions de suppressions d'emplois.

Il ne s'agit pas de geler la situation, mais de faire suspendre les plans de suppressions d'emplois par le Préfet afin d'élaborer des contre-propositions. Il faut imposer des négociations qui ne soient pas menées que du seul point de vue de l'employeur. Si celui-ci ne connaît pas de difficulté, en particulier lors qu'il a versé des dividende aux actionnaires, les plans doivent être annulés. C'est le sens de la loi contre les licenciements boursiers adoptée par le Sénat à l'initiative des parlementaires communistes.

Si des difficultés sont avérées, les comités d'entreprise et les délégués du personnel doivent disposer des moyens de faire valoir des contre-propositions. Les suppressions d'emploi ne sont pas inéluctables. Les frais financiers sont très souvent à l'origine des pires difficultés, on peut donc réduire, avec eux, le coût du capital plutôt que le « coût » du travail qui est aussi la source de création de toutes les richesses.

C'est pour cela que des Fonds publics régionaux doivent être créés. Ils pourraient être saisis par les salariés en lutte et prendraient en charge tout ou partie des intérêts payés aux banques sur les crédits nécessaires pour se moderniser. Plus les investissements programmeraient d'emplois et de formations, plus l'aide serait importante, ce qui ferait diminuer le taux d'intérêt du crédit jusqu'à zéro éventuellement et même en dessous (non remboursement d'une partie du crédit).

L'enjeu fondamental du crédit :

Un débat est engagé sur la BCE, sa politique de taux d'intérêt pour « refinancer» les banques, ces injections massives de monnaie (1000 milliards d'euros) qui ne déverrouillent pas le crédit mais servent à spéculer. La BCE doit avoir pour première priorité l'emploi.

Pour cela, le taux d'intérêt du « refinancement » des banques doit être d'autant plus abaissé – jusqu'à être nul – que les crédits qu'elles distribuent serviraient à des investissements plus créateurs d'emploi, de formation et de progrès écologique.

Cette sélectivité nouvelle du crédit, nous pouvons la construire tout de suite, ici en France, sans attendre d'avoir réussi à créer les rapports de force pour que ça change au plan européen.

Nous proposons la création d'un Fonds national de sécurisation de l'emploi et de la formation chapeautant tous les Fonds régionaux et regroupant tous les fonds nationaux dévolus aujourd'hui à l'emploi et l'investissement. Il recueillerait aussi les 30 milliards € que coûtent chaque année à l'État les exonérations de cotisations sociales patronales et mettrait ainsi fin à cette pratique. Il impulserait, par bonification du taux d'intérêt jusqu'à 0% voire moins, ce nouveau crédit pour les investissements matériels et de recherche des entreprises.

Il serait géré démocratiquement: contrôle par le Parlement, les collectivités territoriales et  saisine possible par les organisations de salariés. Avec la Caisse des dépôts, la Banque publique d'investissement (BPI), la banque postale, les banques mutualistes et coopératives dans le respect de leurs statuts, il formerait un pôle bancaire et financier public qui inclurait des banques nationalisées.

L'enjeu fondamental des services publics:

Contrairement à la logique du TSCG « Merkozy » accepté par F. Hollande, à l'inverse de ses promesses de campagne, contrairement aussi à la logique du « pacte de compétitivité » qui offre un cadeau de 20 milliards d'euros aux patrons, financé par une baisse des dépenses de services publics et une hausse de la TVA, il faut exiger, à l'appui des luttes pour l'école, la santé, la recherche, de logement, la culture... une relance des services publics et, donc, une augmentation des emplois et de la formation publics, avec les financements nécessaires.

On en a vitalement besoin, pour des raisons de justice sociale et d'efficacité économique. Les gains de productivité obtenus avec la révolution informationnelle ne se sont pas traduits par une baisse du temps de travail ou de la charge de travail pesant sur chacun-e, mais bien par des suppressions d'emploi qui ont pour conséquence une baisse des débouchés pour la production.

Il faut donc impérativement accroître les débouchés, s   ans pour autant renoncer au progrès technique.

Cela passe par deux solutions complémentaires :

- D'une part, au niveau européen, lutter contre le dumping fiscal et écologique avec une grande coopération permettant aux pays émergents de se porter au niveau des normes sociales et environnementales européennes. Ce serait là le sens d'une taxation dont le produit serait dévolu à un fonds d'aide au développement de ces pays.

- D'autre part, développer la demande salariale en France et en Europe. Cela passe notamment par un très grand développement des services publics qui créent de la demande et contribuent de manière décisive à accroître l'efficacité de l'offre productive (éducation, recherche, formation,...). La BCE, via un « Fonds social, solidaire et écologique de développement européen », doit créer la monnaie nécessaire à cet essor en Europe, au lieu du pacte budgétaire Merkozy.

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 Compétitivité : Rétablir la vérité et contre-attaquer (Yves Dimicoli)

Par Yves Dimicoli, le 20 février 2014

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