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La lettre du Réseau école - octobre 2013 : Une rentrée de gauche ?

 
 

si l’on en croit le ministère, nous vivons la première « rentrée de gauche ». nous assisterions même à une véritable « révolution » dans l’éducation nationale. Quel décalage avec la réalité de la rentrée vécue par les acteurs de l’éducation ! certes, il y a, ici ou là, des améliorations : moins de suppressions de postes, le retour d’un discours qui valorise le métier d’enseignant, la fin de la journée de carence… mais quel écart entre ces maigres conquêtes et les besoins exprimés ! L’impression d’ensemble est décevante et les principales difficultés (à exercer le métier d’enseignant, à faire réussir tous les élèves) demeurent. cette rentrée n’est pas celle de la « refondation » : au-delà des discours, la politique menée n’est pas porteuse d’un projet neuf pour l’école. nous le disions déjà lorsque la loi Peillon a été discutée à l’assemblée et au sénat : l’école a besoin d’être refondée, et les politiques menées ne sont pas à la hauteur de cette ambition.

Mais il ne suffit pas de faire ce constat. s’arrêter là, c’est nourrir un désespoir dont on sait qu’il peut mener au pire. si nous ne voulons pas voir notre pays s’enfoncer dans la crise économique et démocratique, si nous ne voulons pas voir se poursuivre la montée des discours de haine, nous devons agir pour que cette rentrée soit, enfin, une rentrée de progrès pour l’école. L’école a besoin d’une politique nouvelle : c’est la responsabilité collective de tous les acteurs de l’éducation, de tous le citoyens, de l’imposer.
Dans les mois à venir, nous devrons nous faire entendre sur des questions qui engagent l’ensemble du projet pour l’école.

Pendant ces dernières semaines, l’actualité a été marquée par la polémique sur la réforme des
rythmes scolaires.
Les médias, qui il y a quelques mois encore qualifiaient les enseignants mobilisés de corporatistes et de réactionnaires, découvrent aujourd’hui les méfaits de cette réforme. L’umP profite de l’indignation générale pour essayer de faire oublier que c’est elle qui la première a mis les établissements en concurrence, dégradé les conditions de travail des enseignants et attaqué les finances des collectivités locales. nous le disions déjà l’an dernier, la réforme des rythmes scolaires est lourde de menaces. certaines matières pourraient être mises de côté par l’éducation nationale et laissées aux animateurs du périscolaire : le sport, l’éducation artistique… sont pourtant tout aussi nécessaires au développement des enfants que les mathématiques ! Le traitement de la difficulté scolaire pourrait être renvoyé hors de l’école, aux collectivités locales et aux familles. enfin, le problème du financement de la réforme reste ouverte. Qui va payer la mise en place de nouvelles activités ? Les communes ? Les familles ? dans tous les cas, les inégalités entre communes riches et communes pauvres, quartiers populaires et quartiers huppés, vont en sortir renforcées.

dans ce contexte, on ne peut que se réjouir que moins d’un quart des communes aient décidé d’appliquer la réforme dès cette rentrée. À nous à présent de mener la bataille pour un cadrage national de la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires, garantissant d’une part que l’école aura les moyens de remplir toutes ses missions et d’autre part que tous les enfants auront accès à un périscolaire de qualité, dans des conditions similaires sur tout le territoire. À nous de nous saisir de la campagne des municipales pour défendre une autre conception du rôle des municipalités dans les politiques éducatives : non pas pallier les défaillances du service public national, mais offrir à tous les enfants un environnement culturel riche et divers, qui leur permettra de découvrir d’autres horizons et qui les aidera aussi à réussir à l’école. nous nous battrons pour faciliter l’accès aux installations sportives, à la littérature de jeunesse, au théâtre… nous travaillerons à la mise en place de services publics de l’animation et de l’accueil de l’enfance, avec un statut et un accès à la formation pour les animateurs, et dans l’objectif de construire un grand service public national.

L’actualité de cette rentrée sera aussi marquée par la relance de l’éducation prioritaire, avec les assises départementales et académiques qui commencent en ce moment. Le dispositif ecLaIr actuellement en vigueur installe la déréglementation au sein du système scolaire, en instaurant, dans le second degré, des normes locales tant pour l’élève (programmes, horaires, contenus) que pour les personnels (profilage, hiérarchie intermédiaire…). Il doit être abrogé rapidement. nous ne pourrons pas nous satisfaire de son remplacement par d’autres dispositifs qui mettraient les établissements en concurrence les uns avec les autres. La piste d’une différenciation des moyens en fonction de contrats d’objectifs entre l’état et les établissements nous semble notamment devoir être abandonnée. elle conduirait en effet à renforcer les inégalités et à mettre en place une école à plusieurs vitesses. au contraire, l’école doit avoir les mêmes objectifs pour tous les élèves, et la politique d’éducation prioritaire doit donner plus de moyens là où il y en a besoin pour réaliser ces objectifs.

La question des ambitions du système éducatif est au coeur d’un autre grand chantier de cette rentrée : la refonte des programmes. La loi de refondation a prévu l’installation d’un Conseil supérieur des programmes composé de 16 membres (10 qualifiés nommés par le ministre, 2 députés, 2 sénateurs, 2 membres du cese) qui aura pour objectif de travailler à de nouveaux programmes et la redéfinition d’un nouveau socle de connaissances, de compétences et de culture. La mise en oeuvre des nouveaux programmes est prévue pour la rentrée 2015. nous serons particulièrement attentifs à la composition de ce conseil et à ses travaux. Grâce aux sénateurs communistes, le principe que tous les élèves sont capables de réussir a été inscrit dans la loi. Il est temps de passer aux actes et de donner à l’école les mêmes ambitions pour tous les élèves. Pour le PcF, il est essentiel que l’école ait les mêmes ambitions pour tous les élèves. cela implique d’en finir avec le grand écart entre un socle minimal et des programmes trop chargés et de refonder les programmes scolaires sur le modèle de l’enfant qui n’a que l’école pour acquérir la culture scolaire. Les programmes, nationaux, doivent constituer l’objectif unique du système : nous continuons à nous battre pour la suppression du socle commun mis en place par Fillon en 2005 et nous ne nous satisfaisons pas des avancées obtenues dans la définition de ce socle lors des débats sur la loi de refondation. cela implique un vaste débat démocratique : quelle culture voulons-nous transmettre à nos enfants ? Quelles sont les connaissances nécessaires aux citoyens et aux travailleurs de demain ?

Pour mettre en oeuvre ces nouveaux programmes, il faudra des enseignants mieux formés, en situation de maîtriser leur métier. Le ministre a annoncé une revalorisation du métier d’enseignant. Il y a urgence ! Le suicide d’un enseignant à marseille vient encore une fois de faire la lumière sur la dégradation des conditions de travail. Harcelés d’injonctions contradictoires, les enseignants perdent la maîtrise de leur métier. c’est cette maîtrise qu’il s’agit de leur rendre. déjà en septembre dernier, la sénatrice communiste Brigitte Gonthier-maurin alertait sur la crise du métier d’enseignant et donnait des pistes pour y répondre. cela passe d’abord par l’amélioration des conditions de travail et de rémunération, ainsi que par une relance de la formation initiale et continue. L’ouverture des espé (écoles supérieures du professorat et de l’éducation), les nouvelles maquettes de master,les nouvelles épreuves de concours se sont faites dans l’urgence, sans cadrage national, avec un manque de concertation locale et nationale. Les espé ne sont pas les véritables « écoles » attendues, lieux où se forge une identité professionnelle commune. Le temps de formation est moins important qu’auparavant. Les lauréats des concours doivent assurer en master 2 un service devant des élèves à mi-temps en pleine responsabilité. La formation professionnelle et la recherche sont mises en concurrence au lieu de se nourrir l’une l’autre. cette réforme doit être remise à plat. Il faut garantir à nouveau un cadrage national fort, redéfinir l’articulation du master et du concours. Il faut donner aux espé les moyens d’assurer réellement la formation des enseignants.

L’instauration de pré-recrutement sous statut de la fonction publique pourrait permettre une entrée dans le métier progressive et démocratiser l’accès au métier. Pour reprendre la main sur leur métier, les enseignants ont aussi besoin de temps : temps de concertation prévu dans le service, temps pour se former et évoluer. mais il faut surtout redonner du sens à l’école et restaurer la confiance et la légitimité de l’enseignant. L’école doit relever le défi de la démocratisation, combattre les inégalités sociales. au coeur de ce défi, il faut repenser une école sur le modèle de l’élève qui n’a que l’école pour apprendre. Les enseignants, comme tous les acteurs de l’éducation, ont besoin que l’on donne du souffle à l’éducation, que l’on mette enfin en oeuvre un projet progressiste pour l’école, un plan Langevin-Wallon du XXIe siècle ! La loi de refondation aurait pu répondre à cette ambition. elle ne l’a pas fait, mais cela ne veut pas dire que c’est impossible : les syndicats, les associations de parents, les mouvements pédagogiques sont porteurs de propositions largement convergentes. Le projet d’une école de la réussite de tous existe, il ne demande qu’à être mis en oeuvre !

Marine Roussillon,
animatrice du réseau école

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