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Tunisie : la crise est aussi sociale.

L’assassinat politique de Chokri Belaïd, dirigeant du PPD (gauche marxiste), l’un des leaders du Front populaire et avocat de l’Union générale des travailleurs, lâchement abattu au pied de son domicile, ne peut que porter au paroxysme la crise profonde que traverse la Tunisie, deux ans après sa révolution.

Elle prend aujourd’hui la forme d’un bras de fer entre le parti islamiste Ennahdha au pouvoir et l’opposition démocratique et centriste, les forces laïques et syndicales. La grève générale à laquelle ont appelé les partis d’opposition avec le puissant syndi­cat UGTT, avec des avocats, des magis­trats, des fonctionnaires, des syndicats d’enseignants, des universités a été à la fois un bras de fer et un soulèvement.

Au fil des mois, la crise tunisienne n’a fait que s’approfondir. D’autres leaders d’op­position sont ouvertement menacés de mort. Les islamistes au pouvoir, et qui entendent le garder, feignent l’indignation. Ils ont parlé d’un crime odieux visant à déstabiliser le pays, mais partout les prê­ches des partisans d’Ennahdha sont des manifestes d’intolérance, tandis que les salafistes aux propos incendiaires ne sont jamais poursuivis ou sont aussitôt relâ­chés.

Mais cette lutte entre les tenants d’une théocratie appliquant la charia et les tenants d’un État laïque et démocratique a aussi une autre dimension. La question religieuse en elle-même appelle la lutte et la résistance, tant elle signifie d’obscuran­tisme et de régression, particulièrement pour les femmes, abusées pour partie pen­dant la révolution par les discours modé­rés de ceux qui n’aspiraient au pouvoir que pour en user comme bon leur sem­blait. Et ils en usent, contre le peuple.

Car la crise tunisienne est aussi sociale. Chokri Belaïd, dès l’automne dernier, avait été considéré par le ministre de l’In­térieur comme l’un des responsables des grèves et des émeutes de Siliana, dans le nord-ouest du pays. Les réunions de l’UGTT, l’Union générale des travailleurs tunisiens, sont l’une des cibles privilégiées des ligues de protection de la révolution, qui ne sont autres que des bandes armées au service du pouvoir. En décembre der­nier, alors que l’UGTT commémorait l’assassinat par les colons français de l’un de ses dirigeants historiques, il y a soixante ans, des centaines de militants des ligues ont déclenché des affronte­ments.

Ce n’est pas par hasard que les soulève­ments sociaux de Siliana, Sidi Bouzid, Kasserine, ont eu lieu dans des régions frappées par le chômage à 40 %. Dans l’ensemble du pays, le taux de chômage est de 24 %, 40 % pour les diplômés uni­versitaires, 25 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. 150 000 emplois ont disparu dans le sec­teur industriel… 
Il faut alors se souvenir que ce n’est certainement pas pour un pouvoir religieux au service d’un ordre social injuste que les Tunisiens se sont soulevés, il y a deux ans. La force grandit de ceux qui ne veulent pas se faire voler leur révolution.

L’assassinat de Chokri Belaïd est un crime ignoble. Il est aussi extrêmement précis et ciblé. Non seulement l’avocat de qua­rante-huit ans était un homme de gauche, proche des salariés et impliqué dans les mouvements sociaux, mais il œuvrait ces derniers temps avec de plus en plus d’effi­cacité pour créer les conditions d’un large rassemblement des forces démocratiques. Dans le même temps, ce crime illustre 
la fébrilité et les craintes de ses commandi­taires. 
Cette lâcheté est aussi un signe de faiblesse

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Tunisie : la crise est aussi sociale.

le 18 February 2013

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